Lettre de la TCSFIAL au ministre Lionel Carmant
Longueuil, le 21 février 2022.
Dr. Lionel Carmant
Député de Taillon
Ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux
498, boulevard Roland-Therrien
Longueuil (Québec) J4H 3V9
Objet : Demande d’amendement des articles du PL96 afin de faciliter l’accessibilité aux services essentiels de l’État à des personnes immigrantes et renforcer la cohésion sociale dans les communautés de l’agglomération de Longueuil
Monsieur,
La Table de Concertation sur la situation des Femmes Immigrées de l’Agglomération de Longueuil (TCSFIAL) a été mise sur pied en octobre 2013. Il s’agit d’une concertation qui regroupe des représentantes de 20 organismes de l’Agglomération de Longueuil œuvrant auprès des femmes et /ou des personnes issues de l’immigration dans divers domaines. La Table s’est donnée le mandat de mettre sur pied une structure de concertation avec les organismes communautaires, publics et parapublics du milieu afin de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des femmes immigrées vivant dans le territoire. Pour ce faire, un des objectifs visés est celui de favoriser l’inclusion des femmes immigrées à la vie économique, politique, sociale et culturelle des organisations du milieu.
La TCSFIAL porte une attention particulière envers les femmes immigrées et/ ou racisées de l’agglomération de Longueuil car leurs conditions de vie, bien que reflétant de réalités très diverses, les positionnent parmi les groupes les plus défavorisés du point de vue socio‐ économique. De plus, on constate des groupes parmi ces femmes immigrées et leurs familles qui sont particulièrement vulnérables, notamment les femmes à statuts migratoires précaires, les mères monoparentales et les femmes vivant en contexte de violence conjugale ou familiale.
La TCSFIAL vous interpelle dans votre qualité de Ministre délégué de la santé et des services sociaux et comme député de Taillon. La TCSFIAL s’inquiète des impacts du Projet de loi 96 (PL96) sur les personnes immigrantes à parcours migratoires difficiles, sur les intervenant.e.s du milieu œuvrant dans divers domaines tant du réseau public, parapublic ou communautaire, ainsi que sur les impacts sur les organismes communautaires de l’agglomération.
La TCSFIAL considère que l’apprentissage d’une langue diffère selon les individus et les conditions de vie auxquelles les personnes se confrontent. Dans ce sens, établir un laps de six mois pour l’acquisition de la langue française pour les personnes nouvellement arrivées au Québec ne tienne pas compte des divers facteurs qui entravent cette acquisition, notamment :
- La disponibilité des cours de francisation pour toutes les personnes allophones sur le territoire de l’agglomération de Longueuil : l’offre actuelle des cours est très inférieure à la demande
- La distance culturelle de certains groupes qui parlent ou écrivent dans des alphabets non occidentaux, ce que suppose un temps additionnel pour l’appropriation des éléments de base de la langue française
- Les conditions de vie de plusieurs femmes ayant des jeunes enfants à charge dont l’accès à des garderies n’est pas assuré, ou pour des mères monoparentales qui utilisent grand temps, dès leur arrivée, pour assurer la scolarisation et l’accès aux soins pour leurs enfants
- Des parcours migratoires difficiles, en particulier pour les personnes réfugiées ou demandeurs d’asile et leurs familles qui se voient très fragilisées lors de leur établissement au Québec et lesquelles nécessitent d’accompagnements multiples pour être en condition d’entamer des processus d’apprentissage.
- Les réalités des femmes et des enfants nouvellement arrivés vivant dans des contextes de violence conjugale et ou familiale qui tendent à être plus isolés et comptent sur moins d’autonomie pour s’inscrire à des cours de francisation.
- Le niveau de finesse dans l’acquisition du langage requis pour échanger sur des sujets complexes tels des diagnostics et problématiques de santé physique, des difficultés d’apprentissages scolaires pour les enfants et/ou des enjeux de bien transmettre la réalité vécue lors d’un témoignage à la cour pour une femmes victimes d’un acte criminel.
De plus, la TCSFIAL considère que ces éléments constituent des entraves majeures pour l’intégration des personnes immigrantes à la société d’accueil, ce qui risque de compromettre la cohésion sociale et la cohabitation harmonieuse dans nos communautés. Le PL 96 prévoit l’interdiction d’avoir accès à des interprètes payés par l’État aux personnes immigrantes allophones après 6 mois d’établissement au Québec dans la déserte les services publics essentiels. La TCSFIAL ne comprend pas comment les droits des femmes immigrantes et leurs familles seront respectés si l’accès à la communication de base se verra fortement restreinte par cette barrière additionnelle.
Dans ce cadre, la TCSFIAL, en suivant et en appuyant les propositions du SHERPA, vous demande votre contribution pour que ces 2 amendements soient apportés au PL 96 :
- Exempter les services publics essentiels (santé et services sociaux, éducation, aide juridique, santé et sécurité au travail, sécurité du revenu, etc.) des dispositions interdisant de communiquer dans des langues autres que le français (ou l’anglais dans les institutions bilingues)
- Allonger considérablement la période pendant laquelle les personnes immigrantes peuvent recevoir des services dans des langues autres que le français (ou l’anglais dans les institutions bilingues).
En vous remercient de l’attention que vous porterez à notre demande, veuillez recevoir M. Carmant, nos salutations distinguées,
Les membres de la TCSFIAL et
le comité de coordination de la TCSFIAL
Norma Miranda
Margaret Toppings
Monique Maisonneuve
Christine Berry